La parentalité

La DME ou comment mon bébé m’a montré qu’il pouvait manger seul.

7 décembre 2016

Début 2010 –

J’en étais pour le moment qu’à 6 mois d’allaitement mais j’avais une certaine fierté d’y être « arrivée », comme si notre entourage sous-entendait que seuls certains mammifères en sont capables. Je n’ai pas de pis, du coup j’ai décidé de ne pas donner de lait de vache à ma petite fille. Par contre, à l’âge où ses dents frottent un peu sur le sein de maman, ben il paraît qu’elle « doit » manger des petits pots, pour pas qu’elle mange maman (info à vérifier).

Bon déjà, au lieu des petits pots tout prêts, jeter une patate et une demi-carotte dans un cuiseur-mixeur pour bébé au prix très abordable, c’est trop fastoche (ok le « ploc » à l’ouverture des petits pots c’est rigolo, du coup je verse mes préparations très chaudes dans les mêmes pots vides récupérés de mes grands autrefois, et le « ploc » je l’ai. Et ploc ! …euh… et toc !).

Mais la petite curieuse que je suis a eu l’idée de tomber sur un site internet prônant la « DME ».

Déjà à la base je suis pas très disciplinée des directives officielles du genre :

8h (précises) : une tétée (peser bébé avant/après, faut être sûr qu’il ait eu du lait, parce que parfois il peut faire semblant).

10h : 27,3 ml de jus de fruits frais (pressés uniquement entre l’index et le pouce, en cas d’utilisation d’un autre doigt, pensez à le noter pour le signaler lors d’une prochaine visite à la personne compétente).

12h : une tétée (on tolère mais quand même à midi un yaourt ça irait mieux) + 126g de purée (finis ton assiette sinon il manque un gramme !) + 60,5g de compote de mirabelle (miiiince je n’ai que pommmmme ! commmment je fais ? ?)

etc etc ………………………………………… (je vous laisse de l’espace pour compléter, pourquoi y aurait que les sudoku comme activité divertissante ?)

Bref, mes yeux ont donc ripé sur ces lettres : D.M.E.

« Dodo. Maman. Ennnnfin ! » ? Ah non pardon ce n’est pas le sujet.

DME signifie en vrai : « Diversification Menée par l’Enfant ». Voilà qui est mieux. Mais depuis quand quelque chose peut-il être mené… par l’enfant ? La mangeaille, en plus ? ? Mais où va le monde, ma bonne dame, on marche sur la tête.

J’ai donc fait ce jour-là une découverte absolument effarante de par son idée totalement novatrice dans l’histoire de l’humanité : un être vivant (miniature de surcroît) peut décider de ce qu’il mange.

Après avoir passé des nuits complètes sur l’Encyclopédie de la Mère Parfaite, à la recherche du chapitre « Remettre en question les bases établies » (pas trouvé, comprends pô), et avoir dévoré les dix tomes du très célèbre ouvrage « Mes parents savent pour moi parce que mes grands-parents savaient pour mes parents et que mes arrière-grands-parents savaient pour mes grands-parents ad libitum », j’ai décidé de plutôt aller nourrir ma petite « Bébée » , qui commençait à avoir le ventre qui gargouille et les cordes vocales en vibration exubérante.

Et comme ce jour-là j’avais cuit une jardinière de légumes, j’ai décrété à son papa interrogateur mais habitué à mes originalités, qui m’observait en train d’installer notre rejeton à la table familiale pour la première fois, que la chair de notre chair allait officiellement goûter à cet instant-même…… un brocoli !

Certes, une purée de brocolis pourquoi pas. Mais j’avais décidé de suivre les suggestions de Maître-DME, et donc d’en cuire un bouquet à la vapeur, qu’il soit juste bien fondant, et de le poser tel quel en l’état (plus ou moins déconfit) sur la tablette de sa petite chaise-haute, et d’attendre ce qui se passerait.

Je vous entends là hurler au scandale, appeler les services sociaux, rameuter l’association des Doudous en colère, en effet mon jeune bébé de 6 mois n’allait-il pas s’étouffer en avalant un morceau, à l’âge des purées lisses ?

Mais voyons, je me suis documentée un minimum, Madame, Monsieur, avant d’oser faire frôler un tel danger à ma rejetonne d’amour. Et je fus convaincue à coup de témoignages et de raisonnements fort logiques et anatomiques.

 

Et ma fille sous haute surveillance, put découvrir ce nouveau joujou qui peut s’attraper aisément, s’écraser sous le doigt, glisser par terre pour le plus grand bonheur de maman, qui sent mauvais (le joujou, pas la maman), et finalement arriver à le sucer, faire ressortir les petits bouts immédiatement avec un froncement de nez, puis répéter la même action à son début, et cette fois mâchouiller avec intérêt en levant les yeux vers Môman. Certes ce n’est pas comme ça qu’on arrivera à en faire un sumo, ça tombe bien c’est pas notre but. De toute façon bébé est allaitée et ne manque d’aucun nutriment. Je la vois ravie d’apprendre les goûts, et les parents rassurés sur le fait que la puce gère trrrrès bien les morceaux qui vont au fond de sa gorge en les recrachant. La machine à découverte alimentaire était lancée, et désormais en cuisant le repas de la famille, j’ai mis de côté des aliments nouveaux pour elle, qu’elle prenait entre ses doigts religieusement, en comprenant vite l’intérêt de les porter directement à la bouche plutôt que de les tripatouiller.

J’ai aimé ne pas avoir à lui fourrer dans la bouche « une cuillerée pour maman, une pour papa, une pour tata Gertrude ou tonton Francis », et la voir gérer ses envies et ses préférences de goût selon ce qui était à disposition sur sa table, la voir s’intéresser à ce qu’on mangeait aussi, en tendant la main pour en avoir, partager ces moments avec elle en famille, bref la laisser « apprendre le repas » de manière volontaire, impliquée, autonome et ludique, comme elle a appris à s’asseoir, et comme elle apprendra à marcher… (Et le mieux, un peu plus tard, c’est encore les spaghettis bolognaise dégustés avec les doigts…)

 

Elle n’avait pas tardé ensuite à nous choper nos couverts pour faire comme nous, de manière très adroite et appliquée.

2016 – Ma petiote a maintenant 7 ans, C’est la seule de mes quatre enfants qui a toujours accepté « d’au moins goûter » si elle voyait un plat « d’apparence Allien » arriver sur la table. C’est la seule qui mange lentement en savourant, plutôt que de regarder avec inquiétude dans le plat familial s’il en reste encore tout en engloutissant machinalement son plat préféré sans se délecter de son goût. C’est la seule qui s’arrête immédiatement quand elle n’a plus faim. Je lui ai raconté son apprentissage, ça l’amuse et elle chuchote à qui veut l’entendre : « Moi j’ai toujours tenu ma cuillère toute seule ! ».

Vous essayez ?

EM

 

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