La parentalité | Regards sur soi-même

Le chaos familial, un manque de limites ?

3 mai 2021

Il arrive que des parents ayant laissé leur enfant plus libre quelques temps, se retrouvent un jour à faire un revirement de situation, lui remettant des règles, des limites, un cadre.

Pourquoi ? Parce que le psy a dit qu’il fallait vraiment faire quelque chose, qu’ils se laissaient marcher dessus et que c’est pour ça que Maman pleurait tous les jours et que Papa rentrait de plus en plus tard le soir. Gaminou, quant à lui, vit sa plus belle vie, sautant sur le canapé neuf en étalant sa pâte à tartiner sur le mur tout en hurlant de rire bruyamment (jolie performance de coordination motrice). Oups, y a un souci : un seul à la maison à présent n’est heureux, de toute évidence.

Vous êtes libres de décider que vous voulez grimper une côte sur un vélo sans actionner les pédales si l’idée vous passe par la tête, et vous vous rendrez compte très vite que le vélo s’arrête et que vous finissez par tomber. Car pour monter, les pédales doivent être actionnées. Ne cassez pas ma métaphore en me disant qu’il existe des vélos électriques.

Pour vivre « en liberté en vase clos » dans la famille, il y a quelques petits trucs à savoir sur lesquels porter sa vigilance. C’est un peu comme si certains membres de la famille étaient les roues, d’autres le pédalier, d’autres la chaîne, et d’autres encore le guidon et la selle, tout cela dans un ordre aléatoire et changeant, bien sûr.

Dans la famille, si une personne est libre sans se préoccuper des autres, les autres ne le sont pas et le système peut se casser la figure.

On connaît tous l’adage : « ma liberté s’arrête là où commence celle des autres ». Mais il est courant d’oublier qu’il ne s’applique pas uniquement au bien-être du parent.
Dans le cas cité plus haut, c’est l’inverse : les parents n’ont plus de place. Le vélo est en pièces détachées et on contemple avec désespoir ces boulons et diverses parties métalliques non identifiées joncher le sol.

Pour veiller à l’équilibre et pouvoir avancer en harmonie et respect de chacun, il est à mon sens primordial de savoir en priorité à chaque instant ce qui se passe en soi, quelles sont nos propres émotions, quels sont nos besoins, et d’autre part de savoir nourrir ces besoins et les dire à l’autre.

Et en second lieu, savoir aussi lire et traduire les émotions et besoins de l’autre me paraît indispensable.

Oulàààà ça vous semble complètement flou mon truc, je le sens. Pourtant le principe est simple, mais c’est un travail profond de développement personnel qui est à faire. Et c’est un investissement sûr, car une fois que vous avez ces réflexes au quotidien, vous pouvez voir se développer le calme, la confiance, la clarté, le libre arbitre, la complicité, la compréhension mutuelle. Ça ressemble au pays des licornes, dit comme ça, eh bien en fait ça l’est, et c’est tellement doux d’y vivre, surtout si comme pour moi la valeur « famille » vous est précieuse.

Je vous propose donc de vivre en famille sans hiérarchie. Ne soyez pas effrayés, ça roule ! Comme un vélo bien entretenu car on le vérifie régulièrement. Contrairement à ce qu’on pourrait penser a priori, vivre ensemble sans l’usage de l’autorité (même « bienveillante ») n’est pas se la couler douce et observer en mangeant du pop corn le chaos se mettre en place chez soi. Moi c’est pas mon kif le chaos, j’aime bien profiter d’une vie paisible et être en lien avec les gens que j’aime.

En effet, à mon sens, le chaos ne trouvera pas sa source dans l’absence de règles ou d’autorité, mais dans la révolte de celui qui se sent dominé et va profiter de toutes les occasions pour se libérer.

Donc dans l’incompétence à fonctionner collégialement, à savoir défendre ses besoins sans soumettre l’autre, dans l’incapacité à ce que chacun trouve une place confortable sans causer de tort à l’autre et sans prendre l’ascendant.

Car donner des ordres et obéir n’est un système de fonctionnement viable sur le long terme que si chacun l’a choisi en toute connaissance de cause et y adhère, en y trouvant son épanouissement.
Expliquer à l’enfant qu’on comprend son besoin, qu’on entend ses émotions, mais qu’on a tout de même le dernier mot car on est le parent expérimenté, sage et responsable, c’est pour moi subordonner un être humain qui ne l’a pas choisi, mais qui subit cette subordination car « c’est comme ça dans toutes les familles et je me rebellerai uniquement quand ça sera assez admis : à l’adolescence ».

Lorsque j’ai décidé de quitter la posture du « parent bienveillant qui attend l’obéissance », j’ai ressenti l’immense utilité de m’approprier des approches permettant d’entrer en lien avec mes colocataires de tous âges avec respect.

J’ai acquis des outils qui sont comme des clefs pour ouvrir les cœurs (le mien et celui des gens avec qui je vis).

J’ai cessé les attentes envers mon enfant, et surtout, surtout, j’ai revu ma position de sachant. J’ai quitté mon piédestal de parent et remis mes croyances en question, celles sur le prétendu besoin d’éduquer l’autre sous prétexte de son âge, et celles sur le prétendu besoin d’être éduqué de peur que l’enfant devienne un adulte sanguinaire ou du moins un malotru.

Sans outils, ma bonne volonté pour être heureux en famille dans le respect de chacun est retombée comme un flan ou plutôt un soufflé en peu de temps. Avec son lot de découragement, de dévaluation, de ras-le-bol de retomber plus bas à chaque fois.
Et avec des outils uniquement, je faisais sans cesse « des efforts ». Et les efforts, sur le court terme ça peut frustrer, et sur le long terme ça peut épuiser. Il me manquait encore quelque chose.

Alors je me suis recentrée sur moi pour m’aligner avec qui je suis, être vraie, sans avoir à faire d’efforts pour vivre avec l’autre : juste être clairs ensemble, transparents, authentiques sur ce qu’on ressent et de quoi on a besoin, pour que le quotidien puisse être organisé sur la base du consensus afin que les animosités et les batailles de pouvoir soient rangées au placard.

Je me suis recentrée sur moi car j’ai découvert là où je péchais : l’estime de moi.

Un positionnement qui a adouci mes sentiments d’injustice, mes manques au sujet de mes besoins, et qui ainsi a permis à la soupape de ma cocotte-minute de siffler doucement désormais sans faire exploser le couvercle.

J’ai appris à savoir que j’existais, c’était pas si évident que ça comme constat, après vingt ans de bons et loyaux services en tant que maman au foyer et après quatre enfants bien demandeurs et neuroatypiques. Je sens que ça vous parle, je ne suis pas la seule dans ce cas, je vous vois de derrière votre écran…

Pour savoir que j’existais, je me suis entourée de personnes pour qui je n’étais pas transparente et pour qui j’avais de la valeur, qui m’aiment, de celles qui savent lire les âmes et voir les qualités. Entourée est un bien grand mot, car il n’y en a pas tant que ça, de ces personnes. Mais même si vous n’en avez qu’une seule, pour votre part, en qui vous avez acquis confiance, appuyez-vous sur elle, n’ayez pas peur de lui dire comme elle vous aide à vous réparer. Une autre fois ça sera votre tour, de l’aider, acceptez de recevoir. Ou peut-être que vous pourrez soutenir quelqu’un d’autre et ainsi chacun reçoit et donne.

Mais surtout, j’ai décidé de devenir importante à mes yeux.
Et pour devenir importante à mes yeux, c’était tout bête en fait : je me suis répété inlassablement que je l’étais.

La communication sans violence avec moi-même est ce qui m’a le plus permis de communiquer sans violence avec les autres : je cherche à m’aimer, à me respecter, je me donne de la place, j’apprends à connaître mes besoins, et ainsi je cesse d’attendre des autres, je cesse de leur en vouloir pour mes manques, je cesse de les rendre responsables du fait que je leur donne trop, je cesse de déverser ma colère sur eux suite à mes frustrations diverses que je leur impute.

Ainsi, par le soin à moi-même, j’ai commencé à pouvoir prendre soin des autres en toute intégrité, sans arrière-pensée, sans lassitude, sans agressivité, sans marchandage, sans faire d’effort, juste parce qu’en me donnant à moi, je suis nourrie et je peux donner aux autres aussi.

Et chaque membre de la famille a pu en faire de même, encouragé à être attentif à ce qu’il ressent, à détecter où sont ses limites, quelles sont ses envies. Contrairement à ce qu’on pourrait penser en premier lieu en jugeant tout cela très individualiste, le groupe famille est devenu plus proche.

C’est cette liberté de se donner à soi considération et respect qui a éveillé les cœurs au respect de l’autre.

Evelyne Mester.

Pour aller plus loin, découvrez mon livre Mon enfant mon égal, rendez-vous sur notre chaîne Youtube avec du contenu gratuit.

Voir aussi :
Bienveillance parentale…la pyramide inversée ? 
5 règles pour ne pas imposer de règles aux enfants.
La bienveillance, une baguette magique ?
Eduquer sert-il l’enfant ?
et ben euh, tout mon blog en fait !

 

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  1. Bonjour,
    Merci pour votre article, c’est un plaisir de vous lire.
    J:ai toutefois une question. Si vous avez un peu de temps, cela me fera plaisir d’avoir votre avis/point de vu.
    J’adere tout a fait á vision de la famille sans hiérarchie, mais je me pose toutefois des questions sur la limite entre « l’ordre », « le dernier mot » « l’autorité » /// et « nos besoins ».
    Je vous demande cela, car j’aimerais au plus tendre vers une famille sans hierarchie, ou tout le monde a sa place, mais dans de nombreuses situations, je me pose des questions, en me disant que je reste finalement autoritaire….Pour etre plus claire, je reprend l’exemple que vous avez mentioné : »Expliquer à l’enfant qu’on comprend son besoin, qu’on entend ses émotions, mais qu’on a tout de même le dernier mot car on est le parent expérimenté, sage et responsable »…. ce cas de figure m arrive souvent: mais dans ce contexte :  » le dernier mot car »… il est l’heure d’aller ce coucher (car je sais que si l’enfant se couche plus tard, il est fatigué le lendemain á l’école, et de plus, j’ai mon besoin personnel, avoir un temps pour soit le soir), ou « le dernier mot car »…on a un bus a prendre, et si j’ecoute les besoins et emontions de mon enfant, nous risquerons de rater le bus ….
    Ainsi avez vous des exemples concret d’une famille sans hiérarchie ? Cela m’aiderais certainement a y voire plus clair.
    Merci d’avance,
    Sincerement,
    Amélie

    1. Bonsoir Amélie,
      merci pour ton retour.
      Pour les exemples concrets d’une famille sans hiérarchie, nous avons donné des « Apéros-Parents live » hebdomadaires pendant une année, nous venons juste d’arrêter. Il est possible de les retrouver sur le fil du profil Facebook à mon nom. Nous avons aussi de nombreuses vidéos sur notre chaîne Youtube Le Jeu de la vie avec mon mari, car tout ce que nous partageons est issu de notre quotidien bien réel de vie en famille, en plus du partage issu de notre approche de coachs professionnels.
      Mon livre contient pas mal d’exemples de la vie concrète aussi, à divers âges.

      Le dernier mot qui reviendrait au parent est quelque chose de communément admis dans ce qu’on appelle la « parentalité positive ». Nous avons choisi pour notre part qu’en famille personne n’ait le dernier mot mais qu’on tâche d’aller vers le consensus, donc tout le monde adhère à une solution qui a été décidée communément, ou du moins ne s’y oppose pas, après avoir creusé les besoins de chacun. Dans le concret, on ne se hâte pas de dire oui ou non à une demande d’autorisation, car nous faisons en sorte qu’il n’y ait pas de demande d’autorisation, mais que chacun vérifie si cela ne dérange pas les autres s’il fait telle chose ou tel choix.

      Pour l’heure d’aller se coucher, tu le dis très bien, en fait ton besoin est d’avoir du temps pour toi le soir et d’être assurée de prodiguer de bons soins à ton enfant. Il est possible de discuter, même petits, sur ton besoin pour trouver comment il pourra être comblé, tout en comblant le sien, plutôt que de fixer une heure de coucher en pensant que c’est la seule et unique solution. Les enfants ont souvent une créativité développée qui peut donner des solutions convenables à tous auxquelles on n’aurait pas pensé.
      Pour le bus à prendre, on peut choisir de louper le bus tous les matins si c’est ok (je ne pense pas que ça le soit, lol), ou encore anticiper les demandes de ces moments-là (parler « à froid » des sujets qui viennent souvent sur ces moments-là, mais à un autre moment avant le jour J), ou différer les demandes en notant de quoi l’enfant a besoin de parler et lui dire à quel moment on aura la disponibilité pour en parler. Et puis si tous les jours on se retrouve à houspiller les enfants parce qu’on est en retard, que tout le monde pleure et a quelque chose sur quoi il a besoin d’être entendu en urgence, on peut réfléchir à nos choix de vie concrets, travail, instruction, lieu de vie, etc… et voir si tout le monde ne serait pas plus heureux autrement.
      Bonnes recherches ! N’hésite pas à éplucher tout ce qu’on fait, il y a énormément d’articles à lire sur le blog et de vidéos à voir, en plus de mon livre, pour mieux comprendre comment on peut s’y prendre. Nous donnons aussi un séminaire en Communication respectueuse dans lequel nous abordons tout ça et Stéphane soutien personnellement en séances de coaching. N’hésite pas à creuser et revenir vers nous pour plus d’infos.
      Evelyne.

      1. Un grand merci pour votre réponse. J’ai découvert aujourd’hui votre site grace a cet article, et je suis en train d’éplucher au fur et a mesure les articles précédent…une aide precieuse et beaucoup de remise en question.
        Merci infiniment,

  2. Approche très interessante , j’aurai aimer éduquer de cette façon.
    Pouvez dire quels adultes sont devenus les enfants, mon intention n’est pas de juger mais de me me rassurer sur cette démarche pédagogique .

    1. Bonjour Noel, alors justement le but est de se détacher de toute démarche pédagogique et du principe d’éduquer. Nous cherchons à vivre tous ensemble comme nous le ferions en colocation entre personnes adultes par exemple, sans avoir l’ascendant les uns sur les autres autant que possible. Bien sûr les enfants ont des besoins qui nécessitent des soins particuliers, et cela n’est pas contraire à cette approche. En effet une personne porteuse de handicap a aussi des besoins particuliers et nous lui apporterons particulièrement d’attention et de vigilance. Mais cela n’empêche pas pour autant de la considérer comme égale et à même de savoir ce qui est bon pour elle. Je développe tout cela dans mon livre.
      Du coup, les enfants qui vivent ainsi en famille deviennent les adultes qu’ils veulent devenir eux, selon leurs choix de vie, leurs rencontres, leurs aptitudes, leurs centres d’intérêts, leurs occasions. Nous sommes juste là pour leur permettre de croire en eux et d’avoir confiance en qui ils sont, de trouver les ressources en eux, comme nous soutiendrions aussi un adulte proche. Mais ce qu’ils deviennent leur appartient. Comme chacun sait, le milieu dans lequel on vit a une influence, mais chaque personne a le choix de prendre ou de laisser ce qui lui parle et de faire sienne ou pas une approche. Cette liberté fait partie justement aussi de notre vision de la vie ensemble. Nous n’allons pas inculquer ni obliger une personne à communiquer de manière respectueuse, par exemple. Nous lui dirons par contre comment nous nous sentons en recevant ses paroles ou actes, et elle est libre de continuer ou d’arrêter selon si elle tient à la relation ou pas, ou si ce à quoi elle tient a plus de valeur que la relation. Notre rôle à chacun est d’être transparent sur nous, de protéger notre intégrité physique et morale et de faire des demandes éventuellement, et les choix de la personne en face au sujet de son attitude sont de son ressort à elle. Ainsi un jeune enfant n’entendra pas de jugements de valeurs (« c’est bien, c’est mal, tu es méchant, il ne faut pas faire ça, c’est interdit etc ») mais plutôt les émotions de la personne qui reçoit ou assiste à son action. Nous avons pu voir naître ainsi l’empathie là où elle était en apparence totalement absente.
      Merci pour ton commentaire.