« Nan mais moi, si j’avais de l’argent je travaillerais seulement pour le plaisir de faire ce que j’aime.
Et moi si j’avais un environnement plus calme je serais beaucoup moins stressée.
Si j’étais mince je serais à l’aise pour présenter mon projet devant l’équipe.
Si je n’avais pas d’enfants je mettrais fin à cette relation avec mon mari qui m’entraîne dans une énergie douloureuse.
Si j’étais plus jeune je partirais autour du monde en sac à dos. »
Ok, on enlève les « si » et on le fait ? On commence quand ? Allez, un peu de courage, on va quitter ce job de merde et créer l’entreprise dont on rêve ! Et puis on va prendre chaque jour 15 minutes pour faire de la méditation et se reconnecter à ses valeurs, et puis hop on s’inscrit à la gym pour se sentir mieux dans son corps, on annonce à son mari que la relation est terminée, et on part dans la foulée acheter un sac à dos et une carte routière.
Haha ! Ah non ? Ça bloque quelque part ? C’est simple à dire et pas si facile à faire ?
Normal. Vraiment normal.
Pourquoi on a tant de difficultés à changer les choses qui immobilisent nos possibilités d’être heureux ?
L’écologie…
Peut-être ce mot n’évoque pour vous rien d’autre que votre voisine militante qui fait pousser des trucs louches sur son balcon. Certes, et l’écologie c’est aussi la recherche et la préservation des équilibres fondamentaux ou essentiels à un individu.
En d’autres termes, si vous avez trop la flemme d’aller courir un footing, ce n’est pas toujours que vous êtes fainéant, c’est juste que votre corps ou esprit veut vous parler. Comment ça c’est bizarre, vous ne saviez pas que vous aviez des voix en vous ? Et que parfois même ça tourne à la dispute ? Vous êtes tenté d’aller rendre visite à un ami qui vous a invité et vous restez sur le canapé devant la TV : une petite voix vous souffle : « pfff, mais t’es pas un pote sympa dis-donc ! » et une autre vous sussure : « raaa mais c’est troop bon de lézarder ».
Les bonnes excuses vont bon train. Soit ! Écoutons-les vraiment. Que se passe-t-il en nous ?
Posons-nous la simple question : « Si je partais autour du monde, quelles en seraient les conséquences négatives éventuelles ? »
Je pourrais ne pas savoir me repérer, et me perdre. Je pourrais ressentir beaucoup d’embarras pour communiquer avec les autochtones, ne pas trouver où dormir ni que manger, me constater à court d’argent. Je pourrais être physiquement en danger, agressée. Je pourrais me blesser et n’avoir personne pour me secourir en pleine forêt. Je pourrais mourir seule, terriblement souffrante et désespérée.
Dit comme ça, on comprend mieux en quoi l’écologie est la plus serviable des intentions envers nous-même … Elle sert à prendre soin de nous.
Et il arrive qu’elle fasse tant de zèle qu’à force de vouloir nous aider, elle nous empêche d’agir.
Quelquefois, nommer et explorer ces blocages permettent de se sentir plus apaisé et d’entrevoir des solutions. On peut aussi faire un deal avec la partie qui coince : « Partie-Qui-Coince-Et-Me-Veut-Du-Bien, j’entends ton inquiétude justifiée. Je voudrais te rassurer en te disant que j’ai fait du Kung Fu et que j’ai un kit de survie et une balise GPS dans mon sac à dos. Je te promets aussi de garder un couteau sur moi quand je dors et quelques morceaux de sucre dans ma poche. J’ai aussi envie que toi de nous garder en vie, et au pire hein t’en fais pas, je suis prête à mourir (rayez cette mention si ce n’est pas le cas, on se la raconte pas à une partie de soi hein). Est-ce que t’es ok pour me laisser tenter l’aventure ? Je t’offre en contrepartie, si j’en réchappe, tout le reste de ma vie dans un rocking chair au coin du feu. »
Ouiii maaaais, que vont dire mes enfants, j’ai 80 ans, quand même, ils vont me prendre pour une folle, m’enfermer en maison de retraite, me déshériter (ah non ça c’est moi qui le ferai, sauf si je crame toutes mes économies autour du monde).
Et hop, encore un problème d’écologie. Ah les fameux « oui mais » … Ils sont bons à écouter eux aussi dans nos vies car ils nous permettent de ne pas aller là où on n’est pas encore prêt à être.
Et de fil en aiguille, on peut se faire progressivement dominer, malmener, manipuler par soi-même, qui a pourtant de très belles intentions.
Au bout du compte, le plus simple reste encore de ne rien faire, de rester là comme on est, parce que c’est la zone de notre vie la plus confortable. Oui c’est un choix légitime. Mais c’est une possibilité, il y en a d’autres.
Une des choses les plus difficiles que j’ai choisies de faire dans ma vie, a été de décider d’être heureuse.
Ça a été un chamboulement immense, des prises de risque folles, aller vers l’inconnu, la douleur de perdre ce qu’on avait déjà, la peur de blesser les autres, de décevoir, et la difficulté de garder l’estime de soi quand on se sent jugé et délaissé par ses proches. Il y a eu des conséquences attendues, et d’autres inattendues. Et puis on reste centré, comme un funambule qui fixe le bout de son fil car il tombe s’il regarde de côté, tout en conscientisant sa vision périphérique pour garder un œil sur les dangers et adapter sa cadence, savoir quand reprendre des forces par une respiration mesurée, faire le tri dans les informations pour ne se laisser atteindre que par ce qui lui est utile pour avancer.
Quelles conséquences négatives pourrait-il y avoir pour moi à être heureux ?
Je vous propose d’explorer cela en vous, pour que votre vie soit vraiment un choix et non quelque chose que vous subissez par consentement tacite avec vous-même.
Nous pouvons garder une oreille attentive à notre écologie, oui, et être toujours plus en lien concret avec nos idéaux afin de les réaliser.
Evelyne Mester.