La parentalité

Mon ado me manque totalement de respect.

29 avril 2017

Comment faire… ? Joseph-Cyprien, 14 ans, est devenu terrible. Depuis toujours il a eu des difficultés, le chemin vers son âme est là, pas loin, on la sent toute chaude, mais elle peine à rejoindre les autres : jaloux de son petit frère, peur de perdre sa place dans la famille, angoisses au coucher « à quoi sert la vie », impossible de s’adapter au système scolaire et pourtant si avide d’apprendre. Se sentant écrasé par ses profs qui ne supportent pas son agitation en classe et le fait qu’il fasse « rire la galerie », il a décidé de les faire chier, que sa popularité auprès de ses pairs avait plus de valeur que l’estime des enseignants. Il s’en fout de rater son année, il s’en fout d’avoir son Brevet, il s’en fout et a décidé de ne plus faire ses devoirs. Il aime se lier d’amitié avec les kaïds qui font des « bêtises » à la limite de la délinquance.

Ses parents viennent de divorcer. Comment le vit-il ? « Bah j’m’en fous », répond-il. Lui qui a toujours été très « famille » ne montre pas de souffrance …mais il déteste sa nouvelle maison. « C’est pas chez moi ici, je veux vivre avec Papa ». On l’oblige à continuer la garde alternée.

Il a « la confiance », comme ils disent : il n’a peur de rien, se montre fort, sans empathie, peu intimidé, ne se laisse pas marcher sur les pieds et est pour cela prêt à écraser les autres …Les apparences… Maman sait la beauté de son cœur, Maman la sent juste là à fleur de peau. De plus en plus, il parle violemment, il s’amuse à humilier son frère, il rit quand il le fait pleurer, il le harcèle. Un bloc de glace. Il se moque physiquement de sa sœur. Il s’affirme comme chef de la famille, il dirige les attitudes des autres, cherche à faire changer sa mère de façon d’agir, de vocabulaire, elle est « trop ceci »/ « pas assez cela »/ « grandis un peu dans ta tête ! », lui dit-il, les yeux scotchés sur le téléphone pendant qu’il attend l’argent de l’essence pour son scooter. Son frère n’a pas le droit de remuer sa fourchette ou tapoter sur son verre à table, ben oui, ça l’énerve. Faut se taire quand il l’a décidé.

Pourtant Joseph-Cyprien a été fragile, très fragile enfant. Sa mère l’a épaulé, écouté, entouré de son affection, encouragé à trouver son chemin. Son père lui a donné un modèle puissant, ça devait rouler droit et fallait faire des efforts dans la vie.

Joseph-Cyprien gueule maintenant à tout bout de champ. Sa mère lui rappelle qu’il peut tout dire, mais en y mettant les formes, elle le reprend à chaque fois qu’il « parle mal » et elle se fâche, pleure parfois. Il s’en fout. Il attaque sans cesse et se met à utiliser des mots violents, grossiers, qu’il jette à la tête de sa mère. Elle tente d’instaurer le dialogue, Joseph-Cyprien déteeeste au plus haut point « parler », il se ferme comme une huître. Il lui reproche de discuter au lieu d’imposer. WTF ? …Elle refuse d’imposer. Et impose par là-même un fonctionnement que son fils refuse. Elle n’entend pas. Mais comment accepter de fonctionner selon un modèle qui va à l’encontre de ses propres valeurs ? Il a honte de sa mère, trop zen, trop peace and love, elle a changé, il déteste le changement, elle ne lui parait pas naturelle. Le fonctionnement collaboratif ne lui convient pas, et sa mère se refuse de se placer en autorité ultime comme elle le faisait autrefois.

Soit, et bien ce sera lui, l’autorité.

Joseph-Cyprien et sa mère n’ont pas eu le temps de trouver un fonctionnement commun. Il a fait des efforts, elle l’a félicité et puis il y a eu le clash, la goutte d’eau. Les ficelles d’une relation malsaine de jeux de pouvoirs et de marionnettistes ont fini par craquer. Elle a dit stop car sinon elle sombrait de tant de maux, elle voulait une vie joyeuse et pas une vie de haine. Elle voulait de l’entraide et du partage, et pas de la provocation et du mépris. Elle voulait de la communication, et pas des portes qui claquent.

Elle l’a renvoyé chez son père pour la fin de semaine. Et il n’est plus jamais revenu.

Il n’a plus jamais voulu la revoir. Elle a perdu des années d’enfance de son fils qui ne seront plus jamais là, évaporées, anéanties, mortes. Et elle avec. Jusqu’à ce qu’elle se relève, qu’elle accepte son choix comme lui appartenant à lui, qu’elle se considère avec bienveillance et se donne de la valeur, et qu’elle décide de vivre pleinement malgré cette blessure.

 

Maman avait jugé que le plus important dans sa famille était LE RESPECT. Et ça c’est bien la seule règle familiale à laquelle elle a refusé de déroger. Elle pensait qu’elle respectait Joseph-Cyprien : elle écoutait ses souhaits, elle lui donnait la liberté de choisir, de sortir, s’adressait à lui d’égal à égal…

Mais hors de question de se laisser parler si mal ! Elle allait donc le voir contre son gré, dans sa chambre, pour discuter avec lui de ces problèmes. Il lui gueulait dessus. Elle restait quand même, le forçant à l’écouter. Il hurlait « Tire-toi de ma chambre ! Tu me saoules ! » Elle lui criait qu’il lui devait le RESPECT, qu’elle ne se positionnait pas en chef vis-à-vis de lui donc qu’il n’avait pas à le faire vis-à-vis d’elle. La main de fer dans un gant de velours, l’incohérence détectée inconsciemment par cet être sensible doté d’antennes. Porte dans la gueule, elle pleurait, découragée.

Le jour du clash, elle a fait sa chef, une seule fois : elle a posé la limite de son seuil de tolérance à la violence. Pour elle, pour la famille, pour les petits frères et sœurs. Par instinct de protection. Par dépit. Pour se sauver de l’étouffement. Elle a peut-être eu raison, elle a peut-être eu tort.

En tout cas ce qu’elle ne savait pas c’est que « moins nous aimons ce qu’une personne fait, plus c’est important de comprendre les bonnes raisons qu’elle a de le faire ». Elle ne savait pas que « chaque jugement formulé est l’expression d’un besoin insatisfait », que « l’empathie vient avant l’éducation » (Marshall Rosenberg, CNV).

Maman n’a vu que la forme, et pas le fond. Maman a cherché à gagner le combat pour l’autorité. Maman a alimenté le rapport de force. Maman a camouflé sa fierté et son ego sous l’alibi du respect. Maman a oublié une chose essentielle :

Joseph-Cyprien avait des choses à dire, plein de choses à dire, et elle ne les a pas entendues car il les a dites par un moyen totalement opposé à ce que Maman aimait. Et elle n’a pas cherché plus loin.

Un peu comme si nous refusions de manière répétitive un cadeau parce qu’il est emballé dans du papier toilette : « Va mettre du beau papier cadeau et après tu reviens me l’offrir ! » Ou que nous refusions une lettre d’amour parce qu’il y a des fautes dessus. Non sens. On s’en fout du package : écouter le message caché derrière peut sauver la relation.

Quel(s) besoin(s) urgent(s) mon jeune exprime-t-il ?

« La chose la plus importante en communication, c’est d’entendre ce qui n’est pas dit. » Peter Drucker

Voir aussi ma vidéo : « Accueillir la crise d’un enfant neuroatypique. »

A lire aussi : « Faut-il attendre un diagnostic pour enfin respecter nos enfants ? »

EM

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  1. Bonsoir, recherchant de l’aide sur le manque de respect que me témoigne mon fils, je découvre votre article. Je ne connais pas cette histoire, donc je vais parler de la mienne. Mon fils n’est que mépris, et ressentiment envers moi depuis plusieurs mois. J’ai essayé l’empathie, l’écoute, le dialogue, les règles. Rien n’y fait. Alors je peux comprendre un parent qui demande d’être respecté en tant que personne, c’est un minimum, et pas un acte de dominant. Poser ses limites, ce n’est pas faire le chef. Supporteriez-vous le manque de respect au travail par exemple ? Moi non. J’aime mon fils, mais je n’en peux plus.

    1. Bonjour Marcelle, bravo d’avoir cherché de l’aide, c’est très dur de se retrouver seul(e) dans cette situation. Je comprends aussi cette demande de respect, et parfois on peut l’obtenir en prenant d’autres chemins, de manière naturelle plutôt que forcée. L’article est un témoignage dans lequel la maman est passée à côté de la relation avec son fils parce qu’elle s’est focalisée sur la « forme » plutôt que sur le « fond ».
      Je te propose de visiter notre chaîne Youtube Le jeu de la vie sur laquelle tu pourras accéder à du contenu gratuit qui expose de manière plus concrète les possibilités pour maintenir une relation respectueuse parents-enfants et enfants-parents. N’hésite pas à revenir vers nous ensuite si tu as envie d’échanger, tu peux aussi nous retrouver sur Facebook, chaque premier jeudi du mois nous donnons un Apéro-Parents live ouvert à tous et gratuit où nous répondons à vos questions et vous soutenons. A bientôt ! EM

    2. oh oui je vis la même chose je ne suis plus du tout respecter j’ai la sensation que je sert juste pour les besoins a part ca je suis une merde a leur yeux
      je leur dit cous me blesser j’en okeure sa leur fait ni chaud ni froid il se monte la tete enssemble contre moi me critique me rabaisse
      si je donne une regle de la maison je suis pa ipulatrice si je pleure faut je vais me faire soigner
      aujourd’hui a force je suis entrint de comprendre qu’il devienne toxique pour moi indirectement ils sont entrint de pe détruire

      1. Oui lorsqu’on se retrouve avec un ressenti si difficile au contact des gens avec qui on vit ou travaille, quel que soit leur âge, c’est que la relation est déséquilibrée. Tu le sens bien, tes besoins à toi ne sont pas pris en compte. Alors on peut quitter cet environnement quand cela est faisable, et quand il s’agit de notre propre famille/enfants c’est beaucoup moins réalisable. Il peut être temps en premier lieu de trouver du relai, trouver comment prendre un peu de repos, de distance physique en les confiant à des proches ou des amis ou des babysitters. (Si cela n’est pas possible, penser chaque jour à prendre des moments isolé-e avec un casque anti bruit par exemple, si les enfants sont en sécurité). Et profiter de ces instants pour dresser la liste de tes besoins primordiaux, ceux qui sont fortement malmenés. Ensuite décider de prendre soin de ces besoins, en trouvant comment cela pourrait être réalisable sans étouffer ceux des autres, sinon la situation s’inverse et tu reproduis ce qu’on a fait avec toi. Mais la première personne qui peut te respecter, c’est toi-même. Si tu te donnes de la valeur et de l’estime de toi, tu pourras trouver comment prendre soin de toi en ne laissant plus les gens abuser de ce que tu donnes. Trouver tes propres limites (qui peuvent être changeantes selon les jours) et les faire respecter, sans pour autant besoin d’être autoritaire. Juste être assertif-ve (sûr-e de ce que tu souhaites et défendre ton territoire sans violence et avec douceur). C’est cette relation sans perdants que nous proposons dans nos articles, vidéos et dans mon livre « Mon enfant mon égal ». Plein de courage à toi.

  2. Ouais… enfin, c’est encore la faute du parent quoi. C’est bien ces articles culpabilisants qui ne proposent aucune piste de solution. Ça aide.

    1. Bonjour Fatigue, merci pour ton partage de ressenti qui me permet de préciser ceci : c’est un article basé sur une prise de conscience d’un parent qui s’est laissé aveugler par ses croyances sur l’éducation et a donc priorisé la guerre dominant-dominé au détriment de lire derrière les comportements. Il a préféré continuer à « éduquer » plutôt que renoncer à être en position dominante pour descendre de son piédestal jusqu’à pouvoir vraiment faire la rencontre de son fils, de coeur à coeur. J’espère que cet article peut permettre, plutôt que de culpabiliser, de prendre conscience que parfois l’humilité du parent permet des rencontres magiques au sein de sa famille et le rétablissement des relations sincères et douces. Bonne route à toi. EM